Tribune « sobriété » de janvier 2023

Ralentir pour mieux vivre 💡

Fait rare cette année, l’hiver rime avec un terme tant répété après avoir été si contesté : « sobriété ». Il y a 2 ans, la crise sanitaire avait déjà permis une mise en lumière de la nécessité de modifier nos habitudes de vie, d’aller vers une nécessaire sobriété. S’il y a eu des évolutions dans les comportements individuels, plus ou moins massifs (déménagements au profit des villes moyennes et campagnes, augmentation du télétravail, changement de mode de déplacement, tourisme local, mouvement de démissions…). Le Gouvernement, lui, n’en a tiré aucune leçon.

Cet hiver, nous formulons un espoir : que ce besoin soudain et tardif de sobriété impulsé par l’État, quand bien même les écologistes appellent à ralentir depuis des années pour éviter des crises telles que celle que nous vivons actuellement, entraîne d’autres manières de vivre, plus résilientes, plus adaptées aussi.

Vous avez peut-être entendu parler des 4 scénarios de l’ADEME, l’Agence de la transition écologique, pour atteindre à la neutralité carbone en 2050. Ces scénarios selon l’ADEME « empruntent des voies distinctes et correspondent à des choix de société différents ». Notre choix s’oriente assez naturellement vers le scénario le plus ambitieux, qui appelle à un profond changement des pratiques : le #1 « Génération frugale ». En quelques marqueurs : consommer plus de produits locaux et moins de viande, réduire drastiquement la place de la voiture dans nos vies et nos villes, relocaliser la production de certaines filières, sanctuariser la nature, privilégier le réemploi, limiter la construction pour lui préférer la réhabilitation, aller vers une répartition plus équitable des richesses, de services publics, d’une protection sociale forte, et de plus d’équité. Une bonne manière de réinterroger le capitalisme, modèle destructeur d’une majorité de nos ressources depuis des décennies et amplificateur d’inégalités sociales.

Il faut le dire, il n’est pas ici question de pointer du doigt de « mauvais » comportements individuels ou d’ériger en exemple de « bonnes » manières de vivre. Notre appel est le suivant : redoubler d’exigence envers les pouvoirs publics, aux niveaux national, européen et international. En renforçant le train, en luttant contre l’obsolescence programmée, en subventionnant davantage l’agriculture biologique, etc. Des décisions fortes qui sont justes socialement car n’impactant pas les plus précaires et n’épargnant pas les plus riches. Car oui, plus les ressources financières des personnes sont élevées, plus elles consomment de l’énergie.

Parce que la sobriété ne peut être que juste socialement, nous, Écologistes Lyonnai·s·es, nous activons notre programme depuis 2 ans pour pallier, combler les inégalités. Ainsi, dès la campagne en 2020, nous annoncions déjà cette volonté : « Si nous préparons demain, c’est évidemment tout de suite que le soutien localisé de la puissance publique est décisif pour nous relever tous et toutes. Il faut panser les plaies et amortir la secousse tout en entamant la transition écologique. » Volonté que nous appliquons maintenant à Lyon, la Ville a décidé cet hiver de préserver en priorité le patrimoine de ceux qui n’en ont pas : les services publics, qui restent ouverts. Des mesures de solidarité énergétique sont aussi mises en œuvre envers les plus précaires, quand les efforts sont concentrés ailleurs (comme pour la baisse de la température dans les équipements municipaux par exemple).

Parce que partager les efforts avec l’ensemble de la population est évidemment un enjeu de cohérence mais aussi d’acceptation. Les Françaises et les Français sont ouverts à la sobriétécontrairement à ce que des interprétations médiatiques hâtives pourraient prétendre. Mais assez logiquement leur acceptation repose sur un besoin de règles partagées, qui permettent d’échanger en confiance.
Finalement, et s’il était surtout question de périmètres à redessiner, de société à réinventer comme cela a toujours été le cas dans les grandes transformations des derniers siècles ? Sauf que cette fois, ce ne sont plus les bénéfices, le confort facile et les lobbys qui doivent guider les décisions publiques.

« Il [le discours d’Emmanuel Macron sur l’énergie en février dernier] a mis l’accent sur la sobriété, mais en détournant son sens original, pour aller vers des petits gestes. Ce terme fort, qui pendant longtemps a été un étendard de radicalité, est ici une simple réduction des gaspillages, prétendument compatible avec la croissance. […] Si on laisse s’installer cette redéfinition au rabais de ce que sont la sobriété ou le rationnement, on va perdre de vue leur sens politique et le fait qu’ils pourraient être de puissants outils de justice sociale ». Ces mots si justes sont de Mathilde Szuba, maîtresse de conférences en sciences politiques. Elle a raison : ne les laissons pas faire et ensemble réapproprions-nous ce terme de sobriété dans tout ce qu’il a d’égalitaire et d’émancipateur !